Jean-Luc Mélenchon se revendique
de la gauche d’alternative au capitalisme[1]
et considère son programme comme « révolutionnaire »[2].
A l’inverse, pour certains de ses détracteurs, il a été, est et restera toujours
un social-démocrate. Qu’en est-il réellement ? Jugeons sur pièce, par
l’analyse de son livre programme « l’avenir en commun ».
La lutte des classes ?
La « lutte des
classes » est-elle au cœur de l’idéologie de l’avenir en commun ?
L’expression en tant que tel n’y figure pas. Mais si les termes de classes
dominantes, classes ouvrières ou populaires n’apparaissent pas, ils sont
remplacés par ceux d’oligarchie, de caste, de peuple. « Une caste de privilégiés, coupée des réalités de la vie du peuple,
a confisqué le pouvoir » (p24).
Marx le disait lui-même, si la lutte des
classes est un invariant, la forme qu’elle prend dépend de chaque époque.
L’expression d’oligarchie financière pour définir la classe dominante actuelle
n’est pas l’apanage du seul Mélenchon[3].
En ce sens, il
ne fait que s’approprier une expression à la mode pour définir la réalité de la
lutte des classes actuelle.
Un programme révolutionnaire ?
Au cœur du programme, il y’a le
projet d’une assemblée constituante pour la 6ème République. Cette 6ème
République sera-t-elle une simple adaptation comme a pu l’être le changement de
la 4ème à la 5ème République, ou peut-on espérer que cela
sera réellement une révolution ? L’ambition affichée est bien celle d’une
« révolution citoyenne »
par les urnes[4], sur le
modèle du Vénézuela ou de la Bolivie. Et dans les faits ?
Les détracteurs diront que le
projet de nouvelle constitution reste très flou dans le programme. Et ils
auront raison. Mélenchon s’en justifie lui-même[5] :
le but n’est pas d’imposer un texte pré-écrit, mais de permettre les conditions
d’un vaste débat démocratique sur ce que devrait être la nouvelle constitution.
A ce sujet, le chapitre « Balayer l’oligarchie, abolir les privilèges
de la caste » (p24) de la partie 6ème République au-delà de
son titre accrocheur n’apporte rien de
réellement révolutionnaire. (Mettre fin au pantouflage des
fonctionnaires, Appliquer les recommandations d’Anticor pour lutter contre la
corruption des élus, Refonder les règles de la représentativité patronale,
lutter contre l’influence des lobbys, rendre inéligible à vie toute personne
condamnée pour corruption…).
On s’intéressera plus à la partie
« Une république permettant
l’intervention populaire » (p25) avec des propositions allant dans le
sens d’un renouveau démocratique (référendum révocatoire des élus, référendum
d’initiative citoyenne, non-cumul des mandats) et à la partie « Abolir la monarchie présidentielle »
(p26) (Elire l’assemblée à la proportionnelle, installation d’un régime
parlementaire…) mais là encore rien de révolutionnaire à proprement parler.
Certaines nouvelles garantie
fondamentale paraisse plus de portée révolutionnaire : La
non-marchandisation du corps humain, la constitutionnalisation de la règle
verte, l’inscription dans la constitution de la protection de biens commun :
« l’air, l’eau, l’alimentation, le
vivant, la santé, l’énergie et la monnaie ne sont pas des marchandises. Ils
doivent être gérés démocratiquement et le droit de propriété doit être soumis à
l’intérêt général, la propriété commune protégée ». (p31)
On a donc bien dans le projet de constitution
une mise
hors du secteur marchand d’un certain nombre de bien communs, l’inscription
d’un intérêt général supérieur au droit de propriété. Ces notions fondamentales dans un projet
communiste sont présente, mais de manière limitée.
L’appropriation des moyens de
productions ?
« L’avenir en commun » n’est certainement pas un programme
communiste au sens d’appropriation massive par les travailleurs de leur outil
de travail. La nationalisation ou la socialisation de certains pans de
l’industrie sont néanmoins prévus (aéroports, autoroutes (p45), banques
généralistes (p50) ...) et la création de pôles publics dans les secteurs
stratégiques (transport, énergie…) (p48). On notera aussi une volonté particulière
de s’attaquer aux monopoles privés en outres-mer. (p41)
Mais surtout, on voit apparaître
deux notions, la réquisition des entreprises d’intérêt général par l’état (p46)
et le droit de préemption pour les salariés afin de pouvoir racheter leur
entreprise en cas de vente ou de faillite (p51), ainsi que des mesures afin de
favoriser l’économie sociale et solidaire (ESS) (p52).
Les programmes de nationalisations et
socialisations des entreprises sont bien timides, limités au retour à la
situation entière ; sauf concernant la reprise en SCOP des entreprises qui
ferment, un vrai progrès pour les salariés.
De nouveaux droits pour les travailleurs ?
A qui le pouvoir dans
l’entreprise ? Aux actionnaires ou aux salariés ? La réponse est
aujourd’hui évidente. Les actionnaires ont tous pouvoirs, et les salariés très
peu. « L’Avenir en commun » propose de « reconnaître la citoyenneté dans les entreprises » (^p32) avec
de nouveaux droits pour les travailleurs et leurs représentants (droit de
contrôle des CE sur les finances des entreprises, vote de défiance des salariés
à l’égard de leurs dirigeants ou des projets stratégiques, véto suspensif des
CE sur les plans de licenciements).
A l’inverse, le pouvoir de
décision des actionnaires se verrait (légèrement) réduit, avec une modulation
du droit de vote selon la durée de l’investissement dans l’entreprise (p49)
On a là une amorce de remise en cause du
pouvoir absolu de l’actionnaire sur la politique de l’entreprise. Un début d’idée que le travail vaut autant que le
capital pour la possession et la direction des entreprises.
La remise en cause du libre-échange, du pouvoir
de la finance ?
« Mettre au pas la finance » (p48), « Mettre fin au pillage économique de la nation » (p45) sont quelques-unes
des têtes de chapitre du programme. Qu’en est-il à l’intérieur ? Là
encore, de premiers pas vers la remise en cause du libre-échange et du pouvoir
absolu de la finance.
Côté bourse, il y’a l’abandon de la cotation en continue des
entreprises (p49), une taxe sur les transactions financières (p48),
l’interdiction des licenciements boursiers (p52), l’interdiction de verser des
dividendes supérieurs aux bénéfices (p50) ou interdire les dividendes dans les
entreprises ayant procédés à des licenciements économiques (p52), interdire les
opérations boursières de type « LBO » (p50), interdire la titrisation
(p48), les produits dérivés toxiques (p49) …
Concernant le libre-échange, il y’a bien sûr la remise en
cause de tous les traités de libre-échange TAFTA, CETA, TISA (p82) et faire l’inventaire
des traités existants (p46), stopper les politiques européenne de
libéralisation des services publics (p82), l’instauration d’une taxe douanière
« kilométriques (p73) et sociales (p46) ». Les biens importés
seraient taxés non pas uniformément mais à la fois selon la distance parcourue
(notion écologique) mais aussi selon l’état des droits sociaux du pays
concernés.
Enfin, il y’a la volonté de redonner des pouvoirs
d’intervention à l’Etat sur la finance, avec la remise en cause de la BCE (p83),
la création d’un pôle public bancaire à même de racheter les dettes d’état
(p48)…
Le programme a donc une vraie dimension de remise en cause
du pouvoir de la finance, du libre-échange et de la mondialisation.
C’est sans doute dans ce volet qu’il va le plus loin.
Un premier pas vers la remise en cause du
capitalisme ?
Ces quelques extraits choisis du programme ne sont
évidemment pas exhaustif, celui-ci contient environs 350 propositions réparties
en 83 têtes de chapitres. Mais ils donnent un bon aperçu de la philosophie
de « l’avenir en commun ».
Ce programme ne décrit pas une société
idéale et anticapitaliste. C’est un programme de transition, une première
étape, les premières mesures, pour
amorcer une remise en cause du système capitaliste ; le
cœur de l’affaire étant laissé pour plus tard et en tout état de cause après la
mise en place de la VIème République.
[1] Cf. par
exemple l’hommage à Fidel Castro rendu par Mélenchon le 25/12/2016
[2] Cf. par
exemple La FAQ de la chaîne YouTube de Mélenchon, partie où il répond sur la 6ème
République.
[3] F. par
exemple 99%, le livre de Pierre Laurent, 1er secrétaire du PCF.
[4] Cf. par
exemple La FAQ de la chaîne YouTube de Mélenchon, partie où il répond sur la 6ème
République
[5] Cf. par
exemple La FAQ de la chaîne YouTube de Mélenchon, partie où il répond sur la 6ème
République
Pour votre gouverne, avec toute la sympathie que j'ai pour elle l'expression lutte des classes ne figuraient pas dans le programme de Marie georges Buffet en 2007, notre ami François ruffin l'avait constaté en cherchant Buffet et luttes des classes sur google, et c'est ainsi qu'il trouva Warren Buffet, et sa citation, la lutte des clases c'est nous qui l'avons gagné, citation reprise par la même Buffet lors de la campagne régional de 2010 :-)
RépondreSupprimerLa candidature de Marie georges Buffet était-elle vraiment une candidature communiste ?
RépondreSupprimerJe ne le crois pas!
Il n'est pas faux de dire que si on passait les programmes de 2007 et 2012 du PCF à la même moulinette, le résultat risquerait d'être surprenant.
RépondreSupprimerOui, si on en juge par leurs seuls contenus officiels, les programmes du PCF sont plus sociaux-démocrates que communistes depuis pas mal d'année.
Mais comme pour l'Avenir en Commun, c'est l'idée d'une première étape, limitée mais créant les fondations nécessaire au changement, avant d'aller plus loin.